Le Rocher de Sisyphe
EAN13
9782070211470
ISBN
978-2-07-021147-0
Éditeur
Gallimard
Date de publication
Collection
Blanche (1)
Nombre de pages
184
Dimensions
18,5 x 11,8 x 1,7 cm
Poids
200 g
Langue
français
Langue d'origine
français
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Le Rocher de Sisyphe

De

Gallimard

Blanche

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«Qu'est-ce que la civilisation ? Telle est la question à laquelle j'ai tenté de répondre dans ce petit ouvrage. La civilisation, m'est-il apparu, n'est rien d'autre qu'une conquête continue de l'homme sur lui-même. Elle représente un risque, un abandon volontaire et périlleux de forces, d'avantages, de moyens également sûrs, pour des biens qu'il est toujours possible de perdre, qui ne sont pas indispensables et dont la valeur même est, si l'on veut, de convention. C'est enfin le destin nécessaire de la civilisation de donner contre elle des armes à la barbarie. Il m'a semblé que la civilisation demeurait partout identique et qu'il n'était époque si révolue ou contrée si lointaine où l'on puisse trouver gravement altérées les conditions de sa naissance, de son renouvellement ou de son déclin. Pour étudier ces différents moments, j'ai donc pris soin d'appliquer ma réflexion à divers âges et continents du monde, et j'ai examiné tour à tour les légendes de l'antiquité chinoise touchant l'instauration d'un ordre nouveau, la faiblesse de la démocratie athénienne devant le barbare macédonien, les premiers et misérables établissements de l'homme en Patagonie. Je voulais montrer ainsi qu'il s'agit de problèmes de tous les temps et de tous les lieux, insolubles par nature. Je voulais manifester que la civilisation est un effort toujours à recommencer, toujours en danger, dont le progrès n'est guère sensible, mais où beaucoup s'accordent à reconnaître la meilleure gloire de l'homme. Qu'est-ce que la civilisation ? Des menus codes de travail, de civilité et d'étiquette, qui forment la conscience et lui apprennent à résister aux tentations de la grossièreté. En face des avantages qui reviennent naturellement à la violence, à la ruse et à l'argent, ils fondent un autre prestige que ni la brutalité, ni la fraude, ni la richesse ne savent tout à fait réduire. Ils rendent possible toute gloire. Ils permettent l'existence de biens dont ni l'achat ni le mensonge ne peuvent assurer la possession  ; et le sort ni la puissance n'en établissent pas davantage la propriété. Ils habitent l'âme et sont justement ceux qui, la rendant ferme et incorruptible, lui confèrent comme une grâce qui la garde au moins de céder à la peur ou à la convoitise. Mais c'est mal s'exprimer peut-être que de dire ainsi qu'ils habitent l'âme. Ils la constituent. Car je ne sais ce que désigne ce mot sinon précisément un pouvoir que l'homme petit à petit peut faire mûrir en lui, un refus qu'il sait toujours mieux opposer à la fureur des monstres qu'il porte comme aux menaces et aux appâts dont dispose le monde pour l'effrayer ou le séduire. La civilisation n'est rien d'autre que l'habitude de rendre hommage à la qualité des choses et des êtres.» Roger Caillois.
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